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Mélanges phytosanitaires Le nouveau mode d'emploi

Il est maintenant plus simple de savoir si un mélange est utilisable ou pas, mais la pratique reste encadrée et soumise à contrôle.

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Il se faisait désirer depuis un an. Le nouvel arrêté relatif à l'utilisation des mélanges phytosanitaires a finalement été signé par le ministre de l'Agriculture le 13 mars dernier et est paru au Journal officiel le 5 avril. Ce nouveau cadre réglementaire, qui n'existe pas dans les autres pays de l'Union européenne, se veut plus "simple et lisible" que le précédent, en vigueur depuis 2003. Jusque-là, tous les mélanges étaient interdits sauf certains, soumis à une évaluation et ne pouvant être utilisés qu'après inscription sur une liste positive. Pas toujours facile d'avoir accès à cette fameuse liste. Puis c'est vite devenu ingérable au niveau du ministère de l'Agriculture. Environ 65.000 mélanges ont été évalués et pas moins de 500.000 étaient bloqués depuis le début de 2005 dans l'attente d'une simplification, empêchant certains nouveaux produits (comme le boscalid) de pouvoir être utilisés en mélange.

Tout le monde s'accorde donc pour dire que le nouveau texte est un réel progrès. Avec un bémol. "La transposition de la directive européenne 99/45 sur la classification des préparations dangereuses, qui devrait paraître dans les prochains mois, va reclasser les produits phytosanitaires plus sévèrement. Cela devrait interdire plus de mélanges et on risque d'avoir des surprises", avertit Jean-Didier Clément, d'Arvalis.

L'arrêté prévoit que tous les mélanges sont autorisés sauf certains qui sont interdits car présentant le plus de risque pour la santé et l'environnement (liste négative). Il s'agit des mélanges comprenant: au moins un produit étiqueté très toxique (T+) ou toxique (T) ; au moins deux produits comportant une des phrases de risque R40 ou R68 (une phrase de risque précise le mode d'exposition ou la nature du danger encouru); au moins deux produits comportant la phrase de risque R48; au moins deux produits comportant une des phrases de risque R62 ou R63 ou R64. Ainsi, un mélange comprenant une spécialité classée R40 et une autre classée R68 est interdit, mais une association d'un produit classé R40 et d'un classé R48 est autorisée. Autre exemple: Bravo 500 (chlorothalonil) est classé R40, mais peut être associé aux régulateurs Moddus (R10) et Bref C (Xn, R21/22), mais le fongicide ne pourra pas être associé à un autre produit comportant les caractéristiques R40 comme Opus (époxiconazole).

Attention aux traitements en cours de floraison

Les mélanges comprenant au moins un produit dont la zone non traitée (ZNT) est de 100 mètres ou plus sont aussi interdits. Ainsi que les associations insecticide et fongicide à base de pyréthrinoïde-triazole et pyréthrinoïde- imidazole, utilisées pendant la floraison ou au cours des périodes d'exsudat (floraison du colza, épiaison des blés). Il est désormais obligatoire, pendant cette période, de respecter un délai de 24 heures entre un pyréthrinoïde et une triazole ou une imidazole, le pyréthrinoïde devant être appliqué en premier.

Ces mélanges interdits pourront toutefois être autorisés, par dérogation, après une évaluation préalable de leur innocuité, efficacité et sélectivité. "Il reste à savoir exactement par qui, comment et sur quelle base", s'inquiète Arvalis. L'arrêté précise également que tous les mélanges qui ont déjà fait l'objet d'un avis favorable du Comité d'homologation restent autorisés sous réserve d'établissement d'un nouveau dossier d'ici au 1 er janvier 2008. Parmi les mélanges déjà évalués, un millier seraient concernés, comme par exemple l'association d'herbicides maïs Lasso Microtech + Mikado, qui reste donc autorisée au moins jusqu'au 1 er janvier 2008 alors que chacun des produits est classé R40.

Cette nouvelle réglementation permet aussi de débloquer certaines situations, notamment en pois (lire le témoignage de Philippe Dubac) et en colza. "Sur la base de cet arrêté, les fongicides colza Punch CS et le boscalid (Pictor Pro) sont maintenant chacun mélangeables avec du pyrimicarbe (aphicide)" détaille Franck Duroueix, du Cetiom. Le nouveau texte permet aussi de mélanger du Cycocel avec du Moddus de "épi 1 cm" jusqu'à un noeud de la céréale.

Rester vigilant

Cependant, même si l'arrêté ouvre la voie à de nouvelles associations, la pratique des mélanges reste encadrée et soumise à contrôle. "Il faut garder à l'esprit que certains mélanges posent réellement des problèmes de compatibilité et de sélectivité et il faut rester vigilant. La nouvelle réglementation n'est pas la porte ouverte pour faire n'importe quoi", alerte un conseiller de chambre d'agriculture. "L'agriculteur devra veiller à avoir le bon réflexe de lire l'étiquette sur les bidons pour bien vérifier les phrases de risque", ajoute Franck Duroueix.

La mise en oeuvre du nouvel arrêté va également beaucoup dépendre de la rédaction des guides de bonnes pratiques des mélanges. "Les opérateurs sont invités à suivre les recommandations formulées dans ces guides", précise en effet le texte. Ces documents devraient être bientôt disponibles auprès des services régionaux de la protection des végétaux et sur l'internet. Pour l'instant, le ministère de l'Agriculture est en train de finaliser un guide général (lire l'encadré) qui a été présenté aux professionnels en Commission des produits antiparasitaires le 31 mars dernier. Il s'agit d'un tronc commun qui devrait être ensuite décliné par filière.

 

Guide général de bonnes pratiques finalisé

Le guide général élaboré par la DGAL précise les précautions à prendre lorsqu'un mélange est possible :

- limiter le nombre de produits à trois au maximum, " sauf exceptions dûment justifiées dans les notes techniques par culture " ;

- en cas de nouveau mélange, faire un test préalable dans un récipient ;

- respecter l'ordre suivant d'introduction des produits en fonction de leur formulation : en premier, les sachets hydrosolubles (puis attendre leur dissolution complète ; SC (suspension concentrée) puis EC (émulsion concentrée) ; SL (concentré soluble) puis EC ; SC puis WP (poudre mouillable) ; SL puis WP ; WP puis EC au dernier moment en agitant ;

- lire les étiquettes de chacun des produits et respecter les prescriptions d'emploi les plus restrictives (délai avant récolte ou de ré-entrée le plus long, largeur de zone non traitée la plus grande. ..).

 

 

Témoignage

PHILIPPE DUBAC, agriculteur à Montbrun-Lauragais

"Un soulagement pour le désherbage du pois"

" C'est vrai ? " Lorsqu'on lui apprend les modifications réglementaires concernant les mélanges, le soulagement se lit sur le visage de Philippe Dubac, qui exploite 160 ha dans le Lauragais, en Haute-Garonne. Car pour cet agriculteur dont la sole comporte 10 % de pois, l'interdiction du mélange Challenge + Basagran le laissait démuni face aux mauvaises herbes dans ses parcelles de protéagineux. " C'est la seule solution contre les dicots, et particulièrement sur renouée, liseron et gaillet, explique Philippe. Ce mélange nous permet de réduire les passages, ce qui est précieux dans notre secteur où la pluie nous sort souvent du champ en postsemis et où le vent ne laisse que peu de fenêtres disponibles pour intervenir. " L'interdiction de ce mélange symbolisait l'absurdité de la précédente réglementation, tant ses avantages techniques, économiques et environnementaux le rendaient incontournable sur pois. Son retour en grâce pourrait, selon Philippe Dubac, freiner la chute des surfaces du protéagineux. L'agriculteur va désormais se tourner vers les techniciens pour connaître l'étendue des possibilités sur ses cultures. " Ça reste une réglementation compliquée. "

Gabriel Omnès

 

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